Marylène Dupaquier : « Nous allons créer notre magasin à la ferme et nous diversifier »
L’Association La Maison des Fromages de Langres et de Haute-Marne (MdF) lance une série de reportages chez nos 19 membres fromagers intitulée « Quoi de neuf à la fromagerie ? ». Nous démarrons avec Marylène Dupaquier de La Maison des Biquettes qui se situe à Colmier-le-Haut, le plus au sud-ouest de notre itinéraire de la Route des Fromages de Haute-Marne. Marylène a plein de projets et nous parle aussi de son quotidien qui comprend… le loup !
MdF : En ce début octobre 2023, quoi de neuf chez vous ?
Actuellement, nous sommes en pleine mise à la reproduction. On laisse les boucs presque deux mois et demi à trois mois avec les chèvres. Au bout de deux mois, on enlève du bouc toutes les chèvres gestantes ; pour celles qui ne le sont pas, soit on les laisse encore un mois avec le bouc, soit on les met en lactation continue, ce qui nous permet de les traire sans discontinuer et d’avoir du fromage pour l’hiver.
Cette année, on a un troupeau de 60 à 70 lactations continues et on va avoir 170 chèvres sous le bouc. Nous aurons donc 230 à 240 chèvres à traire à partir du mois de mars 2024.
MdF : Avez-vous des produits nouveaux dernièrement ? Vos ventes ont-elles bien marché depuis le début de l’année ?
Ce qui est nouveau cette année, ce sont nos yaourts avec les fruits de notre verger, c’est-à-dire cassis, pomme, coing, avec aussi des combinés pomme-cassis et coing-cassis. Sinon, nous avons déjà une gamme complète, allant du fromage frais au sec et demi sec avec la tomme. Nous avons aussi les yaourts, les crèmes dessert, les fromages blancs et faisselles.
Tous nos produits sont bio, certifiés.
MdF : Vous faites du circuit court ? Où commercialisez-vous ?
90% de notre lait part à la laiterie et nous transformons le reste. Nous commercialisons en circuit-court, en magasins et un peu auprès des collectivités. Nous vendons sur Langres, Chaumont, un peu Leuglay, etc. Notre rayon de commercialisation est d’environ 60 à 70 km autour de la ferme.
MdF : Et sur la fin de l’année ou 2024, avez-vous des projets ?
Si tout va bien, nous devrions créer d’ici la fin de l’année notre magasin de vente, sur place ici, à la ferme. Attention, notre adresse à Colmier-le-Haut est 10 chemin du Mont de craie et non 5 rue de la Mairie comme l’indique à tort Google Map.
La boutique fera entre 18 et 20 m2. Nous proposerons nos produits et déjà tout ce que nous avons sur la ferme avec notre verger, des pommes, des poires, des prunes, des cerises. Nous aurons des produits de nos collègues maraichers qui sont tout près. Car sur la commune de Colmier-le-Haut, sur sept exploitations, 5 sont en bio depuis 5 à 6 ans : légumes, lait-fromages, viande et céréales, grandes cultures.
Après, on proposera un peu de produits d’épicerie sèche de nos collègues aux alentours. Car il n’y a plus d’épicerie dans le village, ni de boulanger, boucher, café depuis au moins 20 ans. Ici, on est un peu dépourvu de tout : Auberive est à 12 km. Le boulanger avec une petite épicerie est à Recey ainsi qu’à Auberive. Cela fait 12 km de chaque côté. En fait, nous allons à Langres pour faire nos courses.
MdF : C’est un investissement tout ça…
Pour le local de la boutique, c’est un peu plus de 10 000 euros mais il fait aussi faire l’électricité, un raccordement à l’eau, etc. et prévoir un peu de matériel à l’intérieur, comme des vitrines étagères, etc.
MdF : Qu’est-ce qui vous a conduit à faire cela ?
C’est pour une diversification de nos activités, augmenter la part de ventes directes et pour répondre à la demande de clients. Aujourd’hui, on travaille avec la laiterie Biodéal mais demain, on n’est jamais sûr de rien s’ils venaient à arrêtent de venir ramasser notre lait. … C’est une laiterie sont en région lyonnaise qui transforme notre lait à la fromagerie Delin près de Nuits-Saint-Georges. En fait, Biodéal est acheteur de lait et ils utilisent des fromageries pour transformer le lait puis ils commercialisent les produits finis. La filière est assez longue et avec la chute des ventes liée à la Covid, etc., ils sont acheteurs de moins grosses quantités de lait. Donc, ils nous ont fait construire notre projet, ils nous ont soutenu, ensuite ils nous ont fait augmenter notre production et là, on va sur la baisse. Donc, qu’est-ce qu’on fait du lait ? Il faut donc anticiper les choses lorsqu’on voit le vent venir…
MdF : Dans votre projet, allez-vous transformer tout votre lait ?
On ne peut pas. On produit entre 500 à 600 litres de lait par jour donc on est incapable à deux, ma mère et moi, de gérer la traite, les soins, la transformation. Actuellement, on transforme 300 litres de lait par semaine. On verra bien lorsque notre projet sera en route, en fonction de la demande.
Je cherche aussi d’autres acheteurs de lait pour me libérer du temps car on travaille 14 heures par jour donc au bout d’un moment, on veut aussi souffler…
On a besoin de poser les choses, voir comment tout évolue avec le Parc national et surtout au niveau du tourisme. En fait, on va un peu miser sur le tourisme. Mais nous verrons et nous développerons petit à petit. Au départ, notre projet était de 60 chèvres en vente directe mais personne n’a voulu nous soutenir : les banques ne croient pas en la vente directe et estiment que c’est anecdotique, surtout en Haute-Marne. Et les industriels, eux, promettent mais ne continueront pas toujours à la hauteur de leurs promesses.
Mais une clientèle, cela se recréée. On va plus loin, on se bouge un peu plus, on fait les marchés de proximité. Mon mari travaillait à Langres mais revient sur l’exploitation justement pour s’occuper surtout du commerce puisqu’il est commercial à la base mais aussi des champs. Il a aussi un projet d’apiculture et nous allons aussi développer la volaille, surtout des poules pondeuses car il y a beaucoup de demande. Il n’aura déjà plus les kilomètres à faire et nous vivrons autrement ! Mais j’aimerais garder une partie laiterie car cela permet d’avoir un revenu fixe, surtout les mois creux.
La vente directe, chacun sait que c’est aléatoire. Mais il y a énormément de touristes qui passent sur la route qui longe la ferme. Tous ceux qui vont de Langres à Chatillon sont obligés de passer par ici. On compte jusqu’à 50 à 60 camping-cars dans la journée ici ! L’accueil de camping-car à ma ferme se fait sans camping ; ça peut être une éventualité surtout si nous avons notre petit magasin.
MdF : Je vois une ânesse au fond. Qu’en faites-vous ?
Elle est avec le troupeau de chèvres à l’extérieur pour la protection contre le loup. C’est une ânesse du Cotentin. Le troupeau sort la journée et rentre la nuit car on ne prend pas de risques. La journée, les chèvres sont en pâture, en troupeau, et l’ânesse tourne autour du troupeau, délimitant une zone de protection. Si le loup entre dans le parc, elle sort le loup du parc. Elle attaque le loup ! Elle est aussi protectrice qu’un chien de troupeau. Face au loup, une ânesse sacrifie sa peau pour le troupeau.
« My lady » est arrivée en mai ; elle a maintenant un peu plus d’un an.
MdF : Avez-vous vu le loup ?
Non, je ne l’ai pas vu. Mais nous avons vu des traces. Cela fait environ 3 ans que nous sommes sur son passage régulièrement. Heureusement, au niveau de notre troupeau, nous n’avons jamais eu de pertes. On est bien protégé et on renforce les clôtures au fur et à mesure. On se protège avant la catastrophe et l’ânesse y contribue. Je travaille sans chien de troupeau car c’est parfois compliqué avec les enfants, les touristes, etc. Et un âne, c’est une attraction supplémentaire !